Doc en papier : Jivago, médecin par temps révolutionnaire

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Cet été, on manque de médecins, et vous ne voulez pas abandonner vos confrères… Pas de panique, WUD a la solution ! Pour rester en compagnie médicale, même sur la plage avec un bon bouquin, nous vous présentons quelques docteurs piochés dans les classiques de la littérature. Aujourd’hui, le Jivago de Pasternak.

Doc en papier : Jivago, médecin par temps révolutionnaire

Un roman russe, un vrai ! Le genre de roman où trois nouveaux personnages apparaissent à chaque page, avec chacun trois noms différents, si bien que même le lecteur le plus attentif se retrouve un tantinet paumé dès le deuxième chapitre… Une grande fresque historique à la Guerre et Paix, avec tous les ingrédients qu’il faut : de la guerre et de la paix, bien sûr (enfin, surtout de la guerre, quand même), mais aussi de l’amour, beaucoup d’amour. C’est Le Docteur Jivago, de Boris Pasternak, publié en 1958.

Le moins que l’on puisse dire est que, comme son modèle tolstoïen, cette œuvre fleuve décrit des temps troublés. Le héros, médecin désabusé et poète contrarié, y est balloté au gré des violentes secousses du début du XXe siècle russe : révolution de 1905, première guerre mondiale, révolutions de février et octobre 1917, guerre civile, NEP… Autant de tournants de l’histoire qui trimballent le pauvre docteur de part et d’autre de l’immense continent russe : de Moscou à l’Ukraine, de l’Oural à la Sibérie…

Il se démène comme médecin militaire sur le front occidental

Dans ce tumulte, la profession du Dr Jivago n’est pas toujours un avantage pour lui : il ne fait pas toujours bon d’exercer un métier bourgeois quand la lutte des classes atteint son paroxysme ! C’est ainsi qu’au fil des chapitres, le lecteur assiste au calvaire du héros, qu’il se démène comme médecin militaire sur le front occidental (pour nous le front oriental) durant la Grande Guerre ou qu’il soit prisonnier de partisans en lutte contre les Russes blancs, contraint de soigner des combattants pris, comme lui, au piège de l’hiver sibérien.

À plusieurs reprises, le pauvre médecin abandonne même son métier. « J’ai renoncé à exercer la médecine, et je garde le silence sur ma profession afin de ne pas aliéner ma liberté », écrit-il dans son carnet alors qu’après 1917, il a fui Moscou pour s’installer avec sa famille au cœur de l’Oural. Car c’est là le péché du pauvre Jivago : son esprit indépendant s’accorde mal avec la quête d’absolu qui guide les idéologies de son époque.

Dès sa sortie, le livre eut un succès international

Tantôt praticien reconnu dans des hôpitaux renommés, tantôt vagabond dans des campagnes ravagées par la guerre, le pauvre Jivago tente de sauver sa peau et celle de ceux (et de celles !) qu’il aime. À travers le destin de ce médecin singulier et ceux de toute une foule de personnages dont les routes ne cessent de se croiser, Boris Pasternak dresse le portrait d’un pouvoir soviétique encore en construction, mais déjà marqué par une violence insoutenable.

C’est d’ailleurs le caractère sans concession de cette œuvre qui a obligé le poète soviétique à la publier à l’étranger, la faisant sortir d’URSS en catimini. Dès sa sortie, le livre eut un succès international retentissant qui valut immédiatement à son auteur, nominé depuis des années, le prix Nobel de littérature. Mais cet ouvrage entraîna également son excommunication définitive des cercles officiels par lesquels les écrivains pouvaient, sous le régime post-stalinien, tirer quelque subsistance de leur plume… Il mourut deux ans plus tard, célébré à l’Ouest, mais honni dans son propre pays.

 

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