Distributeur connecté de médicaments : une piste de réflexion pour lutter (ou pas…) contre la iatrogénie médicamenteuse.

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[La Chronique du Pharmacien] Le distributeur de médicaments connecté à domicile THESS(r) de la société Valériane est en cours d’expérimentation. Deux établissements de santé participent à ce nouveau concept dans le cadre du suivi de pathologies chroniques. Le but : utiliser la technologie pour combattre les erreurs médicamenteuses.

Distributeur connecté de médicaments : une piste de réflexion pour lutter (ou pas…) contre la iatrogénie médicamenteuse.

La iatrogénie médicamenteuse cause encore aujourd’hui en France un nombre important d’hospitalisations et de décès. Pourtant, la sécurisation autour de la prise en charge médicamenteuse n’a jamais été un sujet aussi important au sein des établissements de santé et en ville. 

De la prescription en passant par la dispensation jusqu’à l’administration, toutes ces étapes font l’objet aujourd’hui d’une attention particulière. Les professionnels de santé au cœur de ce circuit sont formés et sensibilisés tout au long de leur carrière aux risques iatrogènes. On a tous entendu parlé au moins une fois du risque lié par exemple au potassium ou à l’utilisation de certains anticoagulants. Pour éviter ces accidents, de nombreuses actions de sensibilisation viennent rappeler régulièrement aux acteurs de terrain que la prise d’un médicament n’est pas un acte anodin. 

Et pourtant, chaque année en France, des patients sont hospitalisés pour une cause iatrogène.  Face à ce constat récurrent, les nouvelles technologies se sont aussi emparées de ce problème en proposant des solutions de sécurisation. C’est l’exemple du distributeur de médicaments connecté THESS(r) développé par la start up Valériane. 

Le concept est simple : mettre à disposition des patients un distributeur de traitement à domicile. Par un système de télésurveillance médicale, le traitement peut être adapté en fonction par exemple de la réponse clinique ou des effets indésirables. Plutôt donc sur le papier une approche qui pourrait répondre à une vraie problématique.

Mais, vous vous doutez bien, en tant que pharmacien je suis un peu sceptique sur cette nouvelle technologie. Non pas que j’ai peur que le pharmacien de demain devienne un simple distributeur de médicaments. Mais je m’inquiète que nos autorités de santé puissent penser avoir trouvé la solution à la problématique de la iatrogénie médicamenteuse. 

Car ces distributeurs sont pour moi une vraie solution pour des situations bien précises et ne peuvent pas se généraliser à toute la population. 

Le patient est aujourd’hui un acteur de son traitement dans la majorité des cas quand il le peut. On parle bien d’éducation thérapeutique notamment pour la prise de certaines thérapies nécessitant une implication du malade. 

Dans la vraie vie, le médecin explique à son patient sa maladie et le traitement choisi. Le pharmacien informe ensuite des modalités de prise, de la bonne utilisation des thérapies ou encore des effets secondaires possibles. Toute cette chaîne permet au malade de rentrer chez lui et d’être impliqué dans son suivi de ses médicaments. En cas de problème, il est même capable de pouvoir réaliser un “autodiagnostic” et d’échanger avec ses professionnels de santé. Le patient et son entourage sont donc actifs dans le suivi d’un traitement.

La mise en place de distributeur de médicaments risque de faire perdre cette "intelligence" acquise par le patient face à sa maladie. La prise des médicaments ne devient alors qu’un acte du quotidien banal.

C’est pourquoi je pense que cette technologie d’aide à la prise médicamenteuse à domicile doit être réservée à des circonstances bien précises. Le patient vivant seul avec des troubles cognitifs peut par exemple être une indication pour cette technologie. Et encore, aujourd’hui la richesse de notre système de santé fait que ce type de patient bénéficie d’un passage infirmier pour notamment la prise de médicament. L’IDE constitue une ressource importante en cas de constat d’effets indésirables ou de réponse thérapeutique anormale par exemple.

Enfin, ce concept d’automatisation de la prise de médicaments met de côté également les professionnels de santé. Le médecin prescripteur devient alors “un simple” ajusteur de dose à distance, le pharmacien “un simple” remplisseur de pilulier et l’infirmier n’a plus lieu d’être.

En conclusion, je ne suis pas opposé à ce type de nouvelle technologie, car la iatrogénie médicamenteuse est un vrai problème de santé publique. Toutes les bonnes idées sont bonnes à prendre pour réduire les accidents. 

Mais, notre système de santé repose sur un potentiel de professionnels de santé compétents. 

Peut-être, d’abord réfléchir à notre organisation avant de vouloir réduire les patients à de simples consommateurs de médicaments.

 

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