Des soignants ukrainiens à l’école de la médecine de guerre en France

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La victime inconsciente a été projetée à trois mètres lors d'une explosion et porte plusieurs plaies dont une au front : Mykola Kopytchak et Artem Ahantsev, deux soignants ukrainiens, ont vingt minutes pour stabiliser son état et la préparer à être transportée vers un hôpital.

Des soignants ukrainiens à l’école de la médecine de guerre en France

Mais ici, pas de fracas des bombes ni de tirs nourris : l'infirmier et l'anesthésiste-réanimateur s'exercent sur un mannequin, dans le calme d'une salle de l'Institut européen de formation en santé (IEF) à Metz, dans le nord-est de la France, qui coorganise une formation avec l'Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM).

Ils sont au total neuf soignants ukrainiens, cinq anesthésistes-réanimateurs, trois infirmiers réanimateurs et un chirurgien traumatologue, âgés de 24 à 40 ans, à s'entraîner pendant sept jours auprès de spécialistes français, pour ensuite devenir eux-mêmes formateurs en médecine et secourisme de guerre dans leur pays.

"Nous sommes en train de former des formateurs", afin d'ouvrir fin juin un centre de formation à la médecine de guerre à Lviv, dans l'ouest de l'Ukraine, à destination des médecins civils. L'objectif est que ceux-ci puissent "savoir faire face aux afflux de victimes" dans une situation de guerre, explique Raphaël Pitti, ancien médecin militaire et responsable de la formation au sein de l'UOSSM.

« On a besoin de médecins qui sachent quoi faire en cas de médecins »

Depuis l'invasion russe le 24 février, "nous avons besoin d'avoir beaucoup de médecins, beaucoup de secouristes, qui sachent quoi faire en cas de blessures de guerre : nous devons former le plus de médecins possible, dans un temps très court", souligne Artem Ahantsev, anesthésiste-réanimateur de 29 ans originaire de Marioupol (sud-est de l'Ukraine).

Au bout de 20 minutes, la victime factice est mise sur un brancard après avoir été intubée : exercice réussi pour Artem et Mykola, encadrés par Raphaël Pitti.

A côté d'eux, le coordinateur médical Yuriy Stepanovskyy traduit les instructions et le débriefing de la simulation conçue par le professeur Pitti, qui avec l'UOSSM, a formé en 11 ans près de 34.000 médecins, infirmiers et secouristes en Syrie.

S'il félicite les deux élèves pour la prise en charge de la victime, il leur rappelle une règle de base à la vue du matériel éparpillé au sol : remettre chaque instrument utilisé à sa place, "car s'il faut partir très vite, tout est déjà en place et on n'abandonne pas de matériel" insiste-t-il.

Parmi les compétences apprises ici, les protocoles de prises de décisions pour "trier" les victimes, c'est-à-dire évaluer leur état pour bien déterminer "celles qui sont en situation d'urgence de celles qui ne le sont pas", puis les "stabiliser" avant de les soigner, précise M. Pitti, spécialiste reconnu de la médecine de guerre.

Le but de la formation, améliorer la qualité des soins en Ukraine

"Cette formation est une excellente opportunité pour améliorer la qualité des soins en Ukraine", abonde Igor Deyneka, anesthésiste-réanimateur de 40 ans, originaire de Rivne, dans l'ouest de l'Ukraine.

Une opportunité pour laquelle lui et ses collègues, huit hommes et une femme, ont dû obtenir une autorisation exceptionnelle de sortie de territoire par le gouvernement ukrainien. En effet, les hommes de moins de 60 ans, mobilisables dans l'armée, et les médecins, n'ont normalement pas le droit de quitter le pays.

Igor, lui, a servi dans l'armée entre 2015 et 2016 : déployé dans un hôpital de campagne de la région de Lougansk (est de l'Ukraine), il y a acquis ses premières compétences en médecine de guerre. A Metz, il "absorbe des connaissances" afin d'intégrer "des schémas précis" pour gérer des afflux de victimes à l'hôpital : "c'est essentiel d'être prêts en cas d'incidents faisant un nombre massif de blessés".

Et au bout de quatre jours de formation, tous se sentent déjà "comme des amis, comme une grande famille", se réjouit Igor, pour qui l'esprit d'équipe en train de se développer entre eux est "très important" pour secourir au mieux les blessés dans des conditions difficiles.

Avec AFP

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