Des prises en charge tous azimuts

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La prévention du suicide des médecins fait l’objet de l’attention d’acteurs de tous horizons : syndicats, associations, ministères, Ordre… Mais ces initiatives restent très souvent méconnues. 

Des prises en charge tous azimuts

Si l’on en croit le dernier bilan de l’Observatoire de la souffrance au travail (OSAT) d’Action praticiens hôpital (APH), les actions en matière de prévention du suicide sont plus que jamais nécessaires. Cet observatoire collecte chaque année quelques dizaines de fiches de médecins en souffrance. En l’espace d’un an, les déclarations comportant la présence d’idées suicidaires chez les praticiens hospitaliers ont doublé : de 13 % en 2018 à 25 % en 2019. Si cette statistique concerne un petit effectif, ce doublement reste un signal qui doit alerter. 

Outil syndical

C’est justement dans cette optique qu’a été créé l’Osat, par le syndicat des praticiens hospitaliers SNPHARE* en 2009, repris en 2017 par Action praticiens hôpital. « C’est un outil syndical qui permet aux praticiens d’exprimer leur souffrance. Cet observatoire permet d’offrir un espace d’écoute et de lancer une action syndicale au besoin. Mais le but premier, c’est l’écoute », explique le Dr Ségolène Arzalier-Daret, qui s’occupe désormais de cette structure préventive et syndicale de la souffrance au travail des PH. Parallèlement, le CFAR** a mis en place en 2013 une commission Santé du médecin anesthésiste-réanimateur au travail (Smart, lire aussi p. 22). « La commission Smart a lancé un numéro vert dès 2013, également accessible aux médecins libéraux qui se sentaient démunis. Nous avons proposé d’autres outils pour pouvoir s’autoévaluer et consulter ensuite son médecin traitant ou son médecin du travail. En 2017 nous avons lancé une campagne de communication, "Dis Doc, t’as ton doc ?", pour inciter les médecins à avoir leur propre médecin traitant », ajoute Ségolène Arzalier-Daret. 
 

L’entraide ordinale

Depuis, la commission Smart redirige les appels téléphoniques de médecins en détresse vers le numéro vert de la commission d’entraide du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom). Cette dernière joue un rôle parfois méconnu dans la prévention du suicide chez les médecins. « Nous mettons à disposition un numéro vert pour les médecins en souffrance. C’est une permanence téléphonique d’écoute tenue de 9 à 19 heures par des assistantes sociales diplômées ; le relais est ensuite pris par une société de psychologues, soir et week-end. En cas de besoin, si le médecin est dans une situation de danger imminent, ce service d’écoute en ligne peut alors déclencher le centre 15. Cela peut aussi déboucher sur un entretien physique avec un psychologue », détaille le Dr Jean-Yves Bureau, qui préside cette commission. Si le Cnom accorde son aide à l’ensemble des médecins, il intervient plus spécifiquement en médecine libérale. Et la cause de la souffrance au travail des libéraux est bien différente de celle des PH. La lourdeur de la gestion administrative d’un cabinet, les soucis de trésorerie, peuvent conduire au geste extrême, qu’il faut savoir prévenir : « Nous souhaitons mettre en place une prévention en matière d’organisation du cabinet, sur les charges, les complications en tant que médecin employeur… Nous pouvons aussi intervenir lorsqu’il y a des problèmes financiers importants, pour donner des conseils sur la gestion professionnelle, et les dépenses personnelles. »

Le tissu associatif

Syndicat, Ordre mais aussi associations contribuent donc à proposer des aides. Dans cette dernière catégorie, figure l’Association des soins aux professionnels en santé. Fondée en novembre 2015, il s’agit d’une association de soignants pour les soignants dont le bureau comporte des médecins, des aides-soignants, pharmaciens, kinés, psychologues... Elle permet aujourd’hui de lier prévention et postvention. Son président, le Dr Éric Henry, médecin généraliste, rapporte que « depuis 2016 elle a reçu 4 500 appels, et offre un accueil 24h/24 à l’ensemble des acteurs du monde de la santé ». La qualité de l’institution est liée à son travail « en réseau, de façon articulée et organisée sur l’ensemble du territoire, en proposant des réponses téléphoniques, des consultations physiques et même, si nécessaire, des hospitalisations ».

Le choc Mégnien

En établissement de santé, comme le révèle le dernier bilan de l’OSAT, le poids de la hiérarchie, la surcharge de travail, mais aussi les conflits professionnels sont à l’origine de la souffrance au travail. « J’ai été contacté après le suicide du Pr Mégnien en décembre 2015 (qui s’était jeté du haut de son bureau de l’HEGP, APHP, NDLR). Marisol Touraine (alors ministre de la Santé, NDLR) a alors annoncé une stratégie nationale qui comportait 3 volets : la création d’un observatoire national de la qualité de vie au travail, la nomination d’une mission au sein de la DGOS pour favoriser les expérimentations sur la qualité de vie au travail, et la création du poste de médiateur national, qu’elle m’a confié. Parallèlement, elle m’a chargé de régler des dossiers de médecins en difficulté », explique Édouard Couty actuellement médiateur national.

À ce jour, il a traité quelque 200 dossiers de médecins en difficulté. Si la prévention du suicide ne fait pas a priori partie des tâches clairement édictées du médiateur national, désamorcer un conflit dès qu’il apparaît empêche qu’il s’envenime. « Mais la médiation n’a pour objectif que de régler à l’amiable des conflits entre médecins. » Qui plus est, les causes d’un suicide sont souvent multifactorielles : « Dans les cas de suicide, il y a toujours une dimension professionnelle, bien sûr, et souvent une dimension personnelle. Mais quand on passe à l’acte sur le lieu du travail, cela a un sens », explique Édouard Couty. Sur la nature des conflits, il note une prédominance des problèmes entre médecins. Pour y mettre fin, il fait en sorte qu’un contrat soit passé entre les parties. S’il affiche un taux de réussite compris entre 65 et 70 %, Édouard Couty s’interroge aussi sur les quelque 30 % d’échec de ces médiations : « Souvent c’est parce que ce sont des conflits installés depuis longtemps, déjà au contentieux. Mais quand c’est diagnostiqué assez tôt, on peut agir. »

Commissions mixtes ? 

Constituée en février 2016, peu de temps après le suicide du Pr Jean-Louis Mégnien, l’association éponyme ne pense pas nécessairement que la médiation soit la solution à la prévention du suicide : « La médiation ne propose guère que des mutations. Elle permet à la personne en difficulté de continuer à travailler dans des conditions satisfaisantes. Mais cela ne résout pas le problème de la personne à l’origine du harcèlement, qui est souvent une personnalité perverse », explique le Pr Philippe Halimi, président de l’association. Il n’a pas plus confiance dans les sociétés d’audit ni les études de l’Igas. Pour lui, il faudrait mettre en place des commissions mixtes médicales/administratives, chargées d’enquêter de manière impartiale sur les cas de harcèlement qui peuvent mener vers des suicides, mais aussi modifier la gouvernance à l’hôpital.

Notes

*Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs

**Collège français des anesthésistes-réanimateurs

Quels supports contacter en cas de difficultés ?

Cnom, numéro d’entraide 0 800 288 038

Associations d’entraide

Associations Soins aux professionnels en santé : 0 805 232 336, joignable 24h/24 et 7J/7. Pour plus d’informations :
https://asso-sps.fr 

En proximité

ASRA, réseau d’aide aux soignants de Rhône-Alpes, www.reseau-asra.fr, 0 805 620 133

MOTS, Organisation du travail et Santé du médecin, www.association-mots.org, 0 608 282 589

ARENE, Association régionale d’entraide du Nord-Est, 0 805 250 400

ASSPC, Association Santé des soignants en Poitou-Charentes, 0 820 860 016

ERMB, Entraide régionale des médecins de Bretagne, bretagne@crom.medecin.fr, 02 99 36 83 50

APSS, Association pour les soins aux soignants, 0 826 004 580 (0,15 €/minute)

OSAT, déclarer sa souffrance à l’hôpital : https://osat.aph-france.fr/declaration_00.php

 

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