Décès inattendus, patients psy qui déambulent, suractivité, les urgences du CHU de Grenoble s’enfoncent dans la crise

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Le récent décès d'un homme de 91 ans, après trois jours d'attente dans les couloirs des urgences du CHU de Grenoble (Isère) faute de place en gériatrie, a mis en lumière une situation de haute tension dénoncée par le personnel soignant, en grève depuis plusieurs mois.

Décès inattendus, patients psy qui déambulent, suractivité, les urgences du CHU de Grenoble s’enfoncent dans la crise

© IStock

"Ce n’est malheureusement pas le premier et vu la situation, ce ne sera pas le dernier", craint un médecin urgentiste témoignant sous couvert d’anonymat sur cette affaire révélée par Libération.

De fait, le nonagénaire est le troisième patient décédé de manière "inattendue" - c’est-à-dire sans présenter d’urgence vitale à l’entrée - au sein du service depuis décembre, a déclaré à l'AFP le Dr Marc Blancher, le responsable des urgences adultes.

Et avant même ce décès, les syndicats avaient fait début avril un signalement pour "mise en danger de la vie d'autrui", classé sans suite par le parquet de Grenoble.

"Le signalement dénonce une inaction des pouvoirs publics qui ne justifie pas l'ouverture d'une enquête pénale et me conduit à le classer sans suite à ce jour pour absence d'infraction pénale", a expliqué le procureur Eric Vaillant dans un message à la presse.

« La situation reste dangereuse pour les patients et pour le personnel médical »

Selon Marc Blancher, les trois patients décédés avaient pour point commun de souffrir de troubles psychiatriques et géronto-psychiques, "des filières particulièrement dysfonctionnelles à Grenoble pour des patients que personne ne veut prendre".

Sara Fernandez, infirmière en traumatologie et secrétaire générale de la CGT au CHU, regrette que le signalement des syndicats ait été classé "car la situation reste dangereuse pour les patients et pour le personnel médical”.

"Si la situation est compliquée dans tous les services”, elle l’est particulièrement aux urgences : le service, plutôt calibré pour "55 personnes en même temps", accuse des moyennes à "80 patients, avec parfois des pics à 100 ou 110 personnes", selon elle.

"Si les problèmes ne sont pas réglés d'ici à la fin du mois, le service va tomber", assure Marc Blancher qui craint "une désertion" des médecins, "extrêmement fatigués". D'autant que l’entrée en vigueur, début avril, de la loi Rist, qui plafonne les rémunérations des médecins intérimaires à l’hôpital, a compliqué les choses : avec le désistement des intérimaires, "nous n’arrivons même pas à atteindre le service public minimum", dit-il.

Il y a 50% des postes d’urgentistes vacants depuis plus d’un an et demi au CHU de Grenoble

Le 10 avril dernier, pour protester contre leurs conditions de travail, les médecins urgentistes ont acheminé dans le hall d’entrée de l’hôpital, avec leur accord, neuf patients en attente d'hospitalisation au service des urgences. La direction de l'hôpital a condamné "fermement" cette action tout en reconnaissant les "fortes difficultés de la filière urgence", dans un courriel interne que l'AFP a pu consulter.

Sur les quatre services d’urgences du territoire, deux sont fermés la nuit depuis un an et demi, après être passés par un fonctionnement "dégradé", ce qui a concentré les prises en charge à Grenoble. Le service désormais compte "en moyenne 142 passages par 24 heures" et "70 à 90 patients sont présents en même temps au sein du service dont environ 30 patients en attente d’une hospitalisation", avec 50% des postes d’urgentistes "vacants depuis plus d’un an et demi", selon la direction de l'hôpital.

Conséquence de l'engorgement des urgences du CHU, la situation est également en grande tension du côté des urgences psychiatriques. "Le nombre de lits fermés en psychiatrie sur le reste du territoire est particulièrement important" et parmi les patients en attente d’une hospitalisation d’urgence actuellement, "40 à 50% concernent la filière psychiatrique", selon la direction du CHU.

« Des schizophrènes, des suicidaires déambulent dans les couloirs des urgences »

De nombreux patients nécessitant une hospitalisation "sous contrainte" - les cas les plus graves -, pourtant prioritaires, se retrouvent en attente, parfois plus de huit jours. "Il y a des schizophrènes, des suicidaires qui déambulent dans les couloirs des urgences !", lâche Cyrille Venet, anesthésiste-réanimateur à Voiron et secrétaire général du Syndicat national des médecins hospitaliers (SNMH-FO).

"On leur donne des sandwichs, ils dorment sur des brancards", confirme un médecin urgentiste, sous couvert d'anonymat.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/video/classement-des-chu-et-specialites-2021-22

"Tout dysfonctionne dans la psychiatrie, les prises en charge sont de moins bonne qualité", dénonce Michel Soulié, infirmier psychiatrique et représentant CGT. "Nous avons des morts, nous avons des suicides", s'alarme-t-il en dénonçant le manque de personnel.

Avec AFP

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