Dans l’Agglo Seine-Eure, les médecins généralistes entretiennent la flamme en mode collectif

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Si l’Eure est connu pour être le département le moins bien doté en médecins généralistes, un morceau de cette terre normande résiste. Dans l’agglomération Seine-Eure, située aux portes de Rouen et à un jet de train de Paris, les maisons de santé et autres innovations de réseaux fleurissent. Découverte.

Dans l’Agglo Seine-Eure, les médecins généralistes entretiennent la flamme en mode collectif

© DR.

C’est un signe qui ne trompe pas. A l’été 2022, un bâtiment flambant neuf a ouvert ses portes du côté de Pont-de-l’Arche, jolie bourgade de 4000 habitants posée à la rencontre des eaux de la Seine et de l’Eure. La Maison de la Santé du Bord de l’Eure, c’est son nom, a remplacé l’ancien cabinet de santé. A l’intérieur, six cabinets médicaux, contre quatre jusque-là. Une nouvelle page s’ouvre, à l’image de ce qui se joue dans ce territoire qui attire depuis longtemps entreprises et habitants. La liste des maisons de santé pluridisciplinaires et autres regroupements qui ont vu le jour ces derniers temps dans l’Agglo Seine-Eure s’étoffe. Même si les besoins de la population restent élevés, même si les agendas sont vite pleins à craquer, la dynamique est là.

En remontant la Seine sous les hautes falaises de craie (si vous êtes du genre à naviguer en péniche ou en aviron, sait-on jamais), à l’extrémité sud-est de l’agglomération, la commune de Gaillon abrite l’une des MSP les plus emblématiques. Elle regroupe une trentaine de professionnels, dont sept médecins généralistes associés et deux collaborateurs. Le Dr Alexis Huan, jeune médecin généraliste de 30 ans, ne chôme pas mais a trouvé ici tout ce qu’il attendait, notamment la force d’un collectif. « Nous nous sommes organisés pour prendre les urgences avec une astreinte tournante. Chacun d’entre nous réserve des créneaux dans la journée, soit 70 créneaux d’urgence chaque jour au total, pour tout notre effectif ! » raconte-t-il, enthousiaste. Lui est natif de l’Eure et a fait ses études à Rouen. Il y avait sans doute des atomes crochus normands dans son choix, mais pas seulement. « Je suis aussi tombé amoureux de la médecine en milieu rural et semi-rural au cours de mes stages », raconte-t-il. C’est son stage de niveau 1, durant l’internat, qui l’a poussé de fil en aiguille du côté de Gaillon.

La MSP est un « phare de santé »

Aujourd’hui installé, l’exercice regroupé lui va comme un gant. « Les MSP, c’est l’avenir, dit-il. Il y a un confort d’exercice en mode pluriprofessionnel, avec des RCP chaque mois pour trouver des solutions sur certains cas compliqués. En plus, nous avons mis en place des protocoles spécifiques, comme le protocole sport sur ordonnance en lien avec une piscine locale, et permis grâce à un financement de l’Agglomération ». On peut aussi citer les protocoles obésité de l’enfant ou cystites. « Je vois la MSP comme un phare de santé pour le département », glisse Alexis Huan. Et un lieu de soin essentiel pour ce territoire doté d’un important tissu d’entreprises tertiaires et industrielles de pointe. L’Agglomération attire aussi de nouveaux habitants. La présence de la ligne ferroviaire Paris-Rouen-Le Havre qui la dessert, ou encore de l’autoroute A13, n’y sont pas pour rien.

« Nous sommes heureux d’avoir vu se développer sur notre sol des maisons de santé qui attirent, en partie car elles sont pilotées par de jeunes médecins », confie Nathalie Breemeersch, maire d’Igoville et vice-présidente de l’Agglo Seine-Eure en charge de la santé. Quant aux derniers cabinets isolés, « nous cherchons à les intégrer dans un exercice coordonné à l’échelle de tout le territoire », précise l’élue. Toute une petite révolution que la Communauté d’agglomération compte accompagner.

A l’automne 2021, un premier centre de santé communal a vu le jour à Heudebouville. On y trouve trois médecins généralistes (mais il devrait en compter six à terme), en plus des infirmières et kinésithérapeutes libéraux. Un deuxième centre de ce type doit ouvrir à Courcelles-sur-Seine. Leur particularité ? Ici, les médecins sont salariés par la commune.  « Le maire d’Heudebouville voulait réagir face au départ à la retraite des médecins de sa commune et nous avons réfléchi ensemble. L’Agglomération l’a aidé à financer une étude et monter le projet, détaille Nathalie Breemeersch. Nous apportons un soutien financier en amont, aux communes comme aux professionnels de santé qui ont des projets d’offre de soin coordonnés, car on ne reviendra pas au monde d’avant ».

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La COSSE, une « MSP multisites » réussie

L’Agglo Seine-Eure regarde l’avenir et a vu émerger sur son territoire une initiative assez rare : une « MSP multisites ». Baptisée COSSE, pour Coordination Santé Seine-Eure, cette structure sous statut de société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) fédère une multitude d’acteurs de la santé, depuis des cabinets et maisons de santé jusqu’aux pharmaciens et professionnels paramédicaux libéraux. La COSSE a vu le jour en 2009, « à une époque où l’on parlait de plus en plus d'exercices pluriprofessionnels, avec des évolutions réglementaires qui les favorisaient », relate le Dr Pascal Julienne depuis son cabinet, au sein de la Maison de santé Simone Veil, à Louviers, intégrée à la COSSE. D’un noyau dur de cinq généralistes, le réseau en regroupe désormais 19, auxquels s’ajoutent 20 autres professionnels de santé.

Une MSP « multisites » nécessite une organisation huilée. « Nous ne nous voyons pas tous les jours, mais la structure permet de dégager des moyens financiers suffisants pour rémunérer un coordinateur à temps plein, lequel prend en charge les aspects administratifs, fait vivre les protocoles ou organise nos réunions de coordination », raconte le médecin généraliste. Une secrétaire mutualisée et itinérante complète l’équipe. Face au risque du dépeuplement médical, la COSSE recrée des liens, de l’émulation socio-médicale et donc du soin, tout ce que plébiscitent de jeunes toubibs. « Les médecins se sont mis à travailler ensemble, à sortir de leur bureau, échanger avec des médecins d’autres spécialités ou paramédicaux. Résultat, il y a aujourd’hui un plaisir à travailler ensemble et un enrichissement professionnel mutuel », fait observer Pascal Julienne. Sans compter l’intérêt pour le patient. Et ici aussi, la COSSE a été un terreau idéal pour développer des protocoles : enfants et obésité, dépression, retard de langage… Au final, cela génère un « effet de ruissellement bénéfique pour la population », estime le Dr Julienne, pour qui la COSSE « a préfiguré la CPTS », lancée en 2019

Les hôpitaux « attentifs » au territoire

La CPTS Seine-Eure, pour Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), répond à une mission de santé publique au sens large. Elle s’occupe de prévention, de vaccination – comme avec la Covid-19 –, et bien sûr d’accès aux soins, de gardes, etc. La CPTS a permis de renforcer les interactions entre médecins de ville et structures médico-sociales, les élus et les hôpitaux, alors que le territoire compte sur la présence du CHI Elbeuf-Louviers-Val-de-Reuil ou, à proximité, le CH Eure Seine, à Evreux. « Les liens sont excellents avec l’hôpital, nous sentons les collègues hospitaliers attentifs à nos problématiques », confie Pascal Julienne.

Malgré un contexte national et départemental difficile, les lignes bougent bel et bien dans l’Agglo Seine-Eure. L’innovation et les nouveaux réseaux commencent à produire leurs fruits, les jeunes médecins répondent présents à l’heure de remplacer les anciens. « Il faut surtout éviter de mettre tous nos œufs dans le même panier ! D’autres modes d’exercice sont encore à imaginer, et l’Agglomération sera toujours là pour soutenir l’innovation et les propositions », conclut Nathalie Breemeersch, la vice-présidente de l’Agglomération.

- Un article rédigé en partenariat avec l’Agglo Seine-Eure

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