Dans la peau d’une dermato

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Dans « Confidences d’une dermatologue* », Flora Fischer partage sur sa pratique avec bon sens et humanité.  

Dans la peau d’une dermato

Flora Fischer est de la génération X. Celle d’avant les repos compensateurs de garde et d’avant #metoo. Dans son récit-témoignage, sur sa pratique à l’hôpital et libéral, elle adopte un ton simple et direct, revigorant et réconfortant dans notre société pudibonde s’effarouchant à la moindre incartade sémantique, dénonçant « la course à la plus féministe et les confusions indigestes à propos des dragueurs, harceleurs, violeurs (…) Tout combat, légitime au départ, porté à son paroxysme pourrait facilement virer suprémaciste. » Elle fut interne dans les années 90, celles du sida et du Kaposi, où l’on n’épargnait pas les porteurs du virus, punis par là où ils avaient péché, « tapettes aux vies dissolues qui méritaient d’en mourir », y compris dans les rangs des prêteurs du Serment d’Hippocrate : «  Alors le petit pédé de la chambre 32, il en est où ? ». L’auteure n’épargne pas certains de ses confrères, dont elle a découvert alors « la vacuité et le cynisme » et les plaisanteries plus que douteuses : « il  le sida, comme tous les singes ».

Tact dermatologique

C’est cette recherche du ton juste pour s’adresser au patient, que nous fait partager Flora Fischer, qui jongle de consultations en vénérologie où elle n’en finit pas de découvrir les fantaisies de ses patients : « Le vagin n’est pas une bouche à nourrir ou à nettoyer » ; « docteur, mon piercing est coincé » …aux demandes esthétiques de plus en plus pressantes de patient(e)s de plus en plus jeunes : « Je ne suis pas le docteur Frankenstein. Je lui ai dit qu’elle était belle et on en est restés là ».  

Une anecdote après l’autre, elle s’interroge sur ses modalités de réponses, d’explications fournies au patient, sur ses « obligations de médecin » et ce qui fait d’elle « un bon médecin », en somme. L’intérêt de l’ouvrage est qu’il pose autant de questions qu’il ne livre de certitudes. Avec humilité, la dermatologue se demande que faire de mieux que du laser vasculaire à cette patiente venue consulter pour une impression de cuisson au visage, survenue depuis la mort de sa petite fille lors de l’attentat de Nice. Ou que répondre à cette jeune fille voilée qui se plaint de l’état de sa chevelure mais ne peut ôter son foulard que le soir, loin du regard des hommes.

Entre doutes et conviction

La quête de la bonne attitude « sans trop de proximité ni supériorité », des justes mots au moment de l’annonce de la mauvaise nouvelle et du « dosage vérité-empathie »  guident Flora Fischer qui décrit par petites touches la relation soignant-soigné, teintée encore davantage de fantasmes en ce qui concerne la dermatologie : « ne vous attendez pas à des miracles…n’est pas la bonne formule » ; « avoir éradiqué son lymphome cutané m’apparaissait plus important que le fait que les cheveux de la patiente repoussent frisés et blancs… » Finalement le bon médecin ? « D’abord une personne de bon sens ».

 

Source:

*Robert Laffont, février 2021

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