Consortium d’AstraZeneca avec Docaposte : Quand l’or blanc attise les convoitises des entreprises privées

Article Article

Les données de santé intéressent chercheurs et laboratoires, suscitant aussi des interrogations. Dernier exemple en date, un consortium privé lancé par le laboratoire AstraZeneca avec Docaposte, signe de l'appétit grandissant pour cet or blanc.

Consortium d’AstraZeneca avec Docaposte : Quand l’or blanc attise les convoitises des entreprises privées

Les données de santé, c'est une masse immense de données générées par les patients : un champ très varié, qui peut comprendre aussi bien les données issues de l'espace de santé numérique du patient, l'évolution d'un traitement lors d'un essai clinique, ou encore les indications renvoyées par un objet connecté comme un pacemaker.

Toutes ces opérations génèrent de la donnée sous diverses formes, hébergées par des entrepôts de santé qui, en Europe, doivent être dûment certifiés. Selon RBC Capital markets, près de 30% du volume total de données est généré par le secteur de la santé.

Et ces big data, à l'heure de l'intelligence artificielle, ont une valeur croissante. Pour mieux diagnostiquer ou pour choisir la solution thérapeutique qui sera la mieux tolérée, les applications sont immenses.

C'est l'objet d'un consortium, Agoria Santé, lancé par le laboratoire anglo-suédois AstraZeneca avec Docaposte, filiale de la Poste. Son objectif ? La mise en place d'une plateforme d'hébergement et d'analyse de données de santé, qui doit permettre la mutualisation des data de divers acteurs pour accélérer la recherche, notamment sur les traitements innovants. Les laboratoires ou les chercheurs, publics et privés, peuvent y participer, moyennant un droit d'entrée sous diverses formes.

L’accès à des données de santé par des acteurs privés pose des questions d'ordre éthique et juridique.

"Les données de santé existent, mais l'accessibilité n'est pas au rendez-vous. En plus de leur mutualisation, le consortium va apporter de l’efficience en permettant d'accélérer l'accès au Système National des Données de Santé (SNDS)", fait valoir Olivier Nataf, président d'AstraZeneca France.

Car pour la toute première fois, mi-juin, la Commission nationale de l'informatique (Cnil) a agréé un partenariat privé, avec à la clef l'autorisation de se raccorder au SNDS, qui regroupe les données de l'Assurance maladie et des hôpitaux, unique en Europe par son ampleur.

Si l'intérêt semble évident pour la recherche, l'accès à des données de santé par des acteurs privés pose des questions d'ordre éthique et juridique.

Car donner accès à ses données confidentielles à des entreprises, c'est potentiellement leur donner beaucoup de pouvoir : celui de décider que vous coûtez trop cher aux assurances, que vous suivez mal votre traitement, que vous devriez faire plus d'exercice...

Les Gafam sont très intéressés : en 2019, on apprenait ainsi que le géant du numérique Google avait signé un accord avec Ascension, l’un des plus gros acteurs américains de la santé, qui lui donnait accès aux dossiers médicaux complets des patients... sans leur consentement. Il faut dire que le secteur est porteur : selon le cabinet Allied Market Research, le marché de l'analyse de données de santé pourrait atteindre près de 100 milliards de dollars en 2030.

« La question de la multiplication des entrepôts questionne le principe de données comme bien collectif »

En France et en Europe, l'accès aux données est très contrôlé, via le Règlement européen sur la protection des données (RGPD) et la loi informatique et liberté, rappelle Maître Sarah Bailey, associée en propriété intellectuelle au cabinet d'affaires Simmons & Simmons.

"Si le responsable d'un traitement a le droit d'agir avec les données de patients, c'est uniquement dans le cadre d'une finalité précise qui a été déterminée en amont. C'est une utilisation sous surveillance", poursuit-elle. Tout en reconnaissant que "les gens ne sont pas encore suffisamment sensibilisés sur leurs droits" sur leurs propres données.

"La France possède un millefeuille législatif complet, mais compliqué. Cela peut être un frein à l'application de ces obligations", abonde Elodie Vorkaufer, juriste spécialisée dans les data, doctorante sur le sujet à l'Institut Droit et Santé.

Dans ce cadre sensible, le Health Data Hub (HDH), méga-fichier des données de santé créé par le gouvernement, est très attendu. Mais il doit désormais proposer un nouvel hébergeur, après avoir suscité la controverse pour avoir initialement choisi le géant américain Microsoft.

Si le consortium d'AstraZeneca se veut complémentaire du HDH et non concurrent, l'émergence de plateformes privées pose, toutefois, un sujet de société, estime Mme Vorkaufer. "La question de la multiplication des entrepôts questionne le principe de données comme bien collectif : on voit que chacun, laboratoire ou hôpital, veut garder la capacité de valoriser ses données".

Avec AFP

Les gros dossiers

+ De gros dossiers