Classement des spécialités : « Si on nous laissait prescrire, la médecine du travail serait bien plus attractive pour les internes »

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La médecine et santé au travail n’attire pas les foules et rempile cette année encore tout en bas du classement des choix des internes. Martine Delherm, médecin au CIAMT, est venue défendre sa spécialité.

Classement des spécialités : « Si on nous laissait prescrire, la médecine du travail serait bien plus attractive pour les internes »

Martine Delherm, médecin du travail au CIAMT

What’s up doc : La santé du travail est dernière du classement, pourquoi selon vous ?

M D. : Il faut rappeler quelques chiffres : à l’internat, il y avait 120 postes d’ouverts et 96 postes ont été choisis. Ce n’est pas un nombre de postes suffisants on est bien d’accord. Mais, il y a une deuxième voie : le DIU de pratique médicale en santé au travail. C’est une voie passerelle pour des médecins d’autres spécialités, notamment pour les généralistes. Par cette voie, nous avons 90 médecins de plus. Donc on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de mouvement vers la santé au travail.

Après si elle est en bas du classement c’est parce qu’elle n’est pas enseignée pendant les études médicales, donc les internes ne savent pas ce que c’est exactement.  

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/medecine-du-travail-une-demographie-en-berne-malgre-de-nombreux-atouts

Comment la rendre plus attractive ?

M D. : L’attractivité passerait par une meilleure information pendant les études médicales. Cela pourrait être un stage de santé pratique au cours du deuxième cycle des études médicales. On pourrait intégrer un module de droit social, de droit du travail qui serait enseigné par des médecins sur le terrain, pas des universitaires, car ils ne connaissent pas bien notre quotidien. Cela permettrait aux internes de savoir que cette spécialité existe. Actuellement, il y a quelques heures d’informations en sixième année mais c’est tout.   

De plus toutes les études médicales sont dans le soin, or la santé au travail c’est de la prévention des risques professionnels. La prévention on en parle de plus en plus, cela devrait attirer.

Ce qui freine aussi c’est que l’on ne prescrit pas sauf en cas d’urgence. Il faudrait peut-être ouvrir une petite porte pour que les médecins puissent un peu prescrire, des arrêts de travail par exemple.

Ce n’est donc pas une légende urbaine, les médecins du travail ne peuvent pas prescrire ?

M D. : Non nous n’avons pas le droit de prescrire sauf en cas d’urgence. Quand nous sommes dans un service autonome dans une grosse entreprise, dans le nucléaire, ou le bâtiment par exemple, on intervient comme n’importe quel médecin.  Mais notre quotidien n’est pas la prescription, c’est dommage.

Vous-même pourquoi avez-vous choisi cette spé ?

M D. : Je ne voulais pas travailler à l’hôpital. De plus c’est un métier où l’on est salarié, nous avons donc les avantages du salariat. J’ai cru comprendre que les internes attachaient beaucoup d’importance à leur métier mais aussi à leur qualité de vie. À l’époque, j’ai fait des remplacements chez des médecins généralistes. Ils travaillent tous seul dans leur cabinet. Au contraire, nous, nous travaillons en équipe. La loi du 2 août 2021 précise le rôle de l’équipe pluridisciplinaire dans cette branche. Le médecin du travail est assisté et délègue des tâches aux infirmiers, aux pôles techniques, constitués d’ergonome, de psychologues, des assistantes sociales… Les médecins animent et coordonnent cette équipe sur le terrain. En plus du côté médecin, nous avons aussi un rôle de manager. C’est aussi ce qui m’a attirée.

Il y a aussi cette connexion entre le médical et le monde du travail qui est très intéressante. Le rôle du médecin est d’éviter que le patient ait des pathologies dues à son travail. C’est passionnant de voir comment les gens travaillent.

Que répondriez-vous aux médecins qui estiment que c’est une sous-médecine ?

M D. : On estime que dans la mesure où nous ne prescrivons pas, nous ne sommes pas dans la médecine. Il faut qu’ils viennent voir ce que nous faisons. Nous entendons aussi : « j’ai passé la visite de médecine du travail et il ne m’a rien fait ». Quand quelqu’un est en bonne santé, nous faisons juste une visite d’information et de prévention. Notre rôle est important quand les gens vont mal. C’est une vraie visite médicale.

Pensez-vous que la crise du Covid et la recrudescence des risques psycho-sociaux seront vecteurs d’un nouvel engouement vers la médecine du travail ?

M D. : Le métier que je pratiquais au début de ma carrière, n’est plus le même maintenant. Je trouve qu’il est dix fois plus intéressant maintenant. Avant, c’était très répétitif, maintenant, c’est beaucoup plus varié donc oui cela peut attirer.

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