Charnier Descartes : dans un cimetière, la colère et le recueillement des proches des défunts

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Dans le cimetière de Thiais, au sud de la capitale française, des familles ont rendu hommage samedi à leurs proches qui avaient fait don de leur corps à la science, sans se douter que leurs dépouilles se retrouveraient au coeur d'un scandale.

Charnier Descartes : dans un cimetière, la colère et le recueillement des proches des défunts

Dans un cimetière français, sur une stèle fleurie de chrysanthèmes, une plaque commémorative noire: « Ils avaient donné leur corps à l'université Paris-Descartes. Que sont-ils devenus? »

En 2019 était révélée l'existence d'un « charnier » au Centre du don des corps à l'université Paris-Descartes, temple de la médecine en France. L'enquête ouverte par la suite a mis en lumière « l'inertie » de responsables de la prestigieuse insitution parisienne pendant plusieurs décennies.

Ces révélations ont conduit à quatre mises en examen, dont celle de l'université parisienne et de l'ancien président de l'université Paris-Descartes, pour « atteinte à l'intégrité d'un cadavre ».

Deux ans plus tard, une cinquantaine de membres de l'association « Charnier Descartes, Justice et Dignité » (CDJD) se sont rassemblés pour la première fois au cimetière où la stèle a été érigée.

Carole Hugues, 60 ans, raconte à l'AFP se souvenir « parfaitement » du moment où elle découvert l'affaire en novembre 2019: « C'était la stupéfaction ».

Professeure, elle partait travailler quand elle a entendu à la radio les révélations du journal L'Express sur les « conditions indécentes » de conservation de dépouilles de « milliers de personnes ayant fait don de leur corps à la science ». Ginette, sa mère, en faisait partie.

Locaux vétustes, dépouilles putréfiées et rongées par les souris, soupçon de marchandisation des corps... Loin de ce que Ginette espérait. « Son idée était toute simple, parce que c'est une femme toute simple, c’était de servir à quelque chose jusqu'au bout », dit Carole Hugues.

« Dire au revoir »

Découvrir ce scandale, c'était « comme vivre une deuxième fois un deuil », confie Baudouin Auffret, président de l'association CDJD, tenant une pancarte montrant son père Georges, ancien mousse devenu capitaine de navire pétrolier, qui voulait « servir une dernière fois » en faisant don de son corps.

« Cette tristesse s'est transformée en colère. On est là aujourd'hui dans ce cimetière pour montrer qu'on sait que l'enquête va durer mais qu'on est soudés et qu'on ne va rien lâcher », explique-t-il. « On aimerait que la justice entende encore d'autres personnes ».

« J'espère que justice sera rendue, un peu pour nous, pour les réhabiliter, pour leur redonner de la dignité, et puis pour tous ceux qui voudront donner leur corps à la science », abonde Valérie Lenoir, 54 ans.

Par ce mois d'automne, il pleut sur la sépulture. Mais Valérie porte des lunettes du soleil qui cachent ses yeux embués.

« J'y pense tous les jours. C'est innommable », souffle cette habitante de la région parisienne, dont la mère et le grand-père avaient donné leurs corps « par générosité ».

Dans la plupart des cas, les familles regrettent qu'il y ait rarement une cérémonie organisée lorsque les corps de défunts sont donnés.

Alors malgré la colère exprimée, ce rassemblement apporte une certaine consolation : « C'est un peu comme la cérémonie qu'on n'a pas eue, une manière de dire au revoir », confie Laura, la fille de Valérie, en posant une rose blanche sur la sépulture, juste devant la plaque noire accusatrice.

Derrière, une autre plaque commémorative, plus vieille, orne également la stèle. Il y est écrit : « Hommage de l'Université Paris-Descartes à ceux qui ont fait le don généreux de leur corps pour la recherche anatomique et la science médicale ».

Avec AFP

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