"C'est la fin du pharmacien commerçant derrière sa caisse, place au pharmacien soignant bien dans sa blouse"

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Parole de pharmacien : la nouvelle convention en cours de signature entre la profession et l’assurance maladie ouvre la voie à une évolution de la pratique professionnelle en ville. De nouvelles activités proposées en officines vont permettre aux pharmaciens de justifier encore plus leur rôle de soignant.  Oui les pharmaciens sont des professionnels de santé comme les autres !

"C'est la fin du pharmacien commerçant derrière sa caisse, place au pharmacien soignant bien dans sa blouse"

"Je vous l’avais déjà bien dit plusieurs fois dans cette chronique ! 

Le pharmacien est un professionnel (médical) de santé au même niveau que les médecins, dentistes et sages-femmes. Bien évidemment, en tant que pharmacien, je suis obligé de défendre mon métier. Mais passé cette position corporatiste, il faut l’admettre : le métier de pharmacien en officine est en pleine mutation depuis quelques mois. 

La mise en place de nouvelles activités soutenues et encouragées par les autorités de santé dans les pharmacies est la preuve de ce virage du métier. Les entretiens pharmaceutiques, la vaccination de prévention réalisée par les professionnels de la pharmacie constituent les exemples médiatiques les plus mis en avant. Il faut également admettre que la crise COVID a permis une accélération majeure de cette évolution des pratiques. 

Cette nouvelle convention en passe d’être signée n’est donc que la suite logique des choses. 

Les deux principales forces syndicales sont même (pour une fois) en phase sur le contenu de ce nouvel accord * (cf article What up Doc “Vaccination, dépistage cancer, cystites… Enfin les pharmaciens sont inclus dans le soin”). Et le stéréotype encore bien présent du pharmacien commerçant derrière sa caisse enregistreuse vit peut-être ces dernières heures.

Dans certains officines, le côté vendeur de médicament (et de parapharmacie surtout) est encore une réalité de terrain.

Mais attention, la profession reste encore ancrée, dans certaines officines, dans un modèle qui a fait l’âge d’or des pharmacies. Le côté vendeur de médicament (et de parapharmacie surtout) est encore une réalité de terrain. Le développement de chaînes de pharmacie alimente l'ambiguïté de la profession sur le modèle économique de la pharmacie de demain. Car tout l’enjeu est de passer d’une rémunération à la boîte vendue à un revenu basé sur la réalisation d'actes pharmaceutiques avec cotations (comme les autres professionnels de santé). Une partie de la profession a bien compris cet enjeu en ayant déjà adopté une mutation de pratiques professionnelles. Et oui, aujourd’hui vous pouvez avoir une consultation avec un pharmacien dans un endroit isolé de la file d’attente de la pharmacie.

Tout l’enjeu dans les mois à venir repose donc sur une motivation à mettre en place ces évolutions et à les développer massivement. Cette accélération sera donc soutenue notamment financièrement par cette nouvelle convention. 

À côté des actes de prévention type dépistage COVID ou encore vaccination, le pharmacien pourra proposer de nouvelles missions en lien directement avec la prise en charge médicamenteuse. On peut citer par exemple le suivi des femmes enceintes et leurs médicaments, la possibilité de délivrer un antibiotique en cas de cystite ou encore participer au dépistage du cancer colorectal. Et ce n’est là que certains exemples des possibilités offertes pour transformer les boutiques des pharmacies en véritable centre de soins et de prévention.

Ce n'est pas la compétence du pharmacien qui est remise en cause, mais plutôt la perte d'activité, surtout en libéral.

Mais, il est à parier que ces nouvelles missions risquent de faire grincer des dents les autres professionnels de santé. Ce glissement de tâches peut être vécu en effet comme une perte de certains actes jusqu’à présent monopolisés par certains acteurs. Je peux comprendre cette inquiétude, elle est tout à fait légitime. Même si au fond ce n’est pas la compétence du pharmacien qui est remise en cause, mais plutôt la perte d’activité notamment en secteur libéral. Pourtant c’est un fait, les déserts médicaux existent, certains professionnels de santé sont surchargés de travail et parfois les patients doivent faire des dizaines de kilomètres pour accéder à un service médical. L’avantage majeur des pharmacies repose sur un maillage homogène sur le territoire permettant d’assurer une proximité avec la population. La meilleure réponse de la profession face à ces inquiétudes justifiées sera probablement de jouer le jeu et de rentrer pleinement dans la blouse blanche de soignant.

Enfin, derrière ces mesures se cache très probablement une composante économique de maîtrise des dépenses de santé. La prévention par exemple, qui fait tant défaut en France, peut se voir mise en avant par l’intervention des pharmaciens. L’exemple du cancer colorectal semble tout à fait pertinent dans la nécessité d’un diagnostic précoce pour la prise en charge ultérieure.

Cette nouvelle convention marque donc un moment important pour notre métier de pharmacien en ville et plus largement pour notre système de santé. 

La profession a la chance d’être soutenue par l’assurance maladie pour prouver le rôle de soignant des pharmaciens. Un nouveau mode d’exercice est probablement en train de se dessiner pour les générations futures et la pharmacie de demain sera sûrement plus un “cabinet pharmaceutique” qu’un commerce. Aux pharmaciens de saisir maintenant cette réelle opportunité."

 

 

 

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