Besançon : chronique d’une guerre ouverte entre le Pr Humbert et le CHU (1/2)

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Un conflit majeur oppose depuis 2015 la direction du CHU de Besançon et l'ancien chef de service dermatologie de l’établissement, le professeur Philippe Humbert. Après avoir alerté la direction sur de nombreuses plaintes de malades faisant état de manquements graves (maltraitances, négligences graves, mises en danger d’autrui, erreurs médicales… ) au sein du service de dermatologie en 2014 et 2015, le Pr Humbert aurait été la cible de nombreuses attaques personnelles et professionnelles qui l’ont conduit à démissionner. C’est le point de départ d’une saga judiciaire en cours qui a conduit notamment à condamner le Pr Humbert en appel en diffamation. Mais le professeur s’est porté en cassation et a décidé de contre-attaquer sous la forme de plusieurs plaintes : harcèlement moral, dénonciation calomnieuse, violation du secret professionnel… Premier volet de notre enquête en deux parties…

Besançon : chronique d’une guerre ouverte entre le Pr Humbert et le CHU (1/2)

Le Pr Philippe Humbert est-il, comme il le prétend, un lanceur d’alerte soucieux de la qualité des soins ? Un « Edward Snowden » du secteur de la santé qui a payé chèrement le fait d’avoir signalé des dysfonctionnements graves au CHU de Besançon ? Ou s’agit-il d’un affabulateur doté d’une imagination sans bornes, en particulier quand il est question d’attaquer la direction de l’établissement ou l’ARS Bourgogne-Franche-Comté ?
 
Pour le savoir, il faut remonter aux origines du conflit majeur qui oppose depuis environ sept ans le professeur de renommée internationale et la direction du CHU de Besançon. Quand l’ex-chef de service du service dermatologie de l’établissement, le Pr Philippe Humbert, a décidé en septembre 2013 de confier la responsabilité d’une de ses unités d’hospitalisation à son adjoint.
 
« C’est à partir de là que les signalements sont arrivés, se souvient le Pr Humbert. J’ai rapidement reçu des courriers de patients qui se plaignaient de la façon dont ils étaient pris en charge ». En effet, des dizaines de plaintes de malades faisaient état de « manquements graves en 2014 et 2015 : maltraitances, humiliations, négligences graves, erreurs médicales, mises en danger d’autrui, non-assistance à personne en danger… »

Maltraitance passive

À titre d’exemple, un courrier daté 14 juin 2014 envoyé au Pr Humbert évoque « des dysfonctionnements constatés lors de la prise en charge de mon père dans votre service ». Selon sa fille, le père est accueilli aux urgences au CHU de Besançon le 3 mars 2014. Sa famille est persuadée que ses douleurs intolérables au bras droit proviennent de son cancer de la peau. À la suite d'examens, son père est finalement « renvoyé chez lui, avec comme diagnostic que son cancer n'avait pas repris et que c’était du rhumatisme », poursuit le courrier.
 
Le 8 mars 2014, nouvelle visite dans le service dermatologie cette fois-ci. Pour un diagnostic similaire : rhumatismes. Mais l’homme est toutefois hospitalisé et subit « une maltraitance passive » lors du service des repas (1), selon sa fille qui évoque « des éléments contradictoires » dans la bouche des médecins. Par exemple, « j'ai l'affirmation catégorique de la part de la chef de clinique au service dermatologie que mon père n'a eu qu'un cancer de la peau alors que le docteur Bonnet affirme que mon père avait également un cancer de la mâchoire. »
 
La chef de clinique au service dermatologie à l’époque « n'a jamais voulu envisager, devant la famille en tout cas, la possibilité d’une récidive du cancer, se retranchant derrière l'attente d'un scanner qui n'arrivait jamais ». Au final, la fille du malade trouve que c’était « particulièrement cruel d’affirmer que le cancer de mon père n’avait pas repris nous donnant malgré nous de faux espoirs ». Et pose la question suivante : « Que faisait-il en dermatologie alors qu'il n'avait pas de lésion de la peau ? Pourquoi ne l'a-t-on pas transféré en oncologie ? »
 
Cerise sur le gâteau, du jour au lendemain, le malade est renvoyé chez lui plus tôt que prévu. Tandis que le service de dermatologie refuse la demande de lit médicalisé et d’hospitalisation à domicile. C’est donc sa femme malvoyante qui doit s'en occuper seule. Pour la fille du malade, « tout cela a été particulièrement préjudiciable pour mon père qui n'a pu bénéficier d'une prise charge à l'aide d'une pompe à morphine que trop tard. Il a TERRIBLEMENT souffert alors que la mise en place de I'HAD (Hospitalisation à domicile ; NDLR) aurait évité cela. »
 
Ce témoignage est un exemple parmi tant d’autres des courriers de patients reçus par le Pr Humbert entre 2014 et 2015, que WUD a pu consulter. Si bien qu’il alerte dès février 2015 les autorités de santé et la direction du CHU pour qu’il puisse reprendre lui-même la direction du service en question. En vain. « J’avais annoncé à la directrice du CHU (Chantal Carroger; NDLR) que, au vu de ce qu’il se passait dans le service, il allait y avoir un jour un problème grave, cela a fini par arriver… »
 
En mai 2015, une patiente de 69 ans hospitalisée dans l’unité que dirigeait le Pr Humbert meurt d’une hémorragie digestive. « Elle s’est vidée de son sang toute la journée, rapporte le Pr Humbert. Malgré les multiples appels de l’infirmière, l’interne ne se déplace pas. » La femme finit par mourir en fin d’après-midi. « Elle était pourtant en bonne santé et devait sortir le lendemain. Mais on n’a pas pris en charge une hémorragie digestive… », estime le Pr Humbert pour qui tout ceci figure dans l’expertise de l’ARS.

Patients privés d'une chirurgie ?

Mais les accusations du Pr Humbert ne s’arrêtent pas là. Selon lui, il y aurait eu en dermatologie, entre 2014 et 2015, des violations d'au moins vingt réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), où l’on décide du traitement d'un patient atteint d'un cancer. Durant ces RCP, trois médecins de spécialités différentes doivent être présents : un chirurgien, un radiothérapeute, un oncologue.
 
Or, « plusieurs traitements par chimiothérapie y ont été décidés sans l'avis d'un chirurgien et/ou d'un radiothérapeute. Pire, on a inscrit « médecins » sur des documents alors qu'il s'agissait d'internes, laissant penser que le quorum de spécialistes était atteint », expliquait le Pr Humbert au Parisien en 2017. Conséquences : « Des patients ont été privés d'une potentielle chirurgie et d'un diagnostic complet », poursuivait le médecin.
 
Interrogé par le journal sur l’intérêt de privilégier des chimiothérapies, il expliquait qu’elles étaient plus rémunératrices que les autres traitements pour l'hôpital. Et s’interrogeait sur les liens éventuels du médecin référent des RCP avec l'industrie pharmaceutique. Et évoquait ses « liens avec des labos, dont beaucoup sont spécialistes en chimiothérapie ».

Pertes de chances 

Contacté par WUD, le Pr Humbert persiste et signe : « Des chimiothérapies ont été administrées à des malades après décisions prises en RCP (avec des internes, non médecins, sans chirurgien), dont la composition n’était pas conforme à la réglementation. » Or, les RCP relèvent de la compétence de l’ARS qui, pour les mettre en œuvre, nomme un médecin. « Ceci explique peut-être les difficultés que l’agence a eu à reconnaître le caractère non règlementaire des RCP », estime le Pr Humbert.
 
Une chose est sûre : si on a admnistré des chiomiothérapies inefficaces aux patients, on peut donc imaginer les conséquences éventuelles sur leur santé : « des pertes de chance ou des préjudices, car certains malades qui luttaient pour leur qualité de vie ou leur survie auraient pu bénéficier de soins adaptés, mais n’en ont pas bénéficié. Plusieurs exemples ont été relevés et confirmés dans l’expertise de l’ARS », selon le professeur.
 
Et de donner un exemple concret : « Quand une personne avait sur la peau une métastase grosse comme un melon qui lui déformait le thorax, ce malade aurait dû être opéré. Mais, comme aucun chirurgien ne n’exprimait en RCP, mon adjoint décidait par lui-même de ne pas le faire opérer. Et il faisait une chimio… »

L'ARS s'en mêle

À la suite des signalements du Pr Humbert faisant état de manquements aux obligations de soins au sein du service de dermatologie du CHU de Besançon, l’ARS Bourgogne-Franche-Comté a donc enquêté sur la qualité de la prise en charge médicale en dermatologie en engageant une mission d’inspection en novembre 2015, puis une autre en septembre 2016.
 
Mais le premier rapport a nécessité, à la demande de l’ARS, une nouvelle expertise. L’ARS rédige donc un deuxième rapport qui finit par reconnaître que la malade (patiente de 69 ans) est décédée d’une surdose en anticoagulants et n’avait pas eu de surveillance biologique. Les experts ont en effet estimé que la prise en urgence de la patiente « n’a pas été optimale et a pu entrainer un retard au diagnostic ». Et ont constaté « une utilisation et une surveillance du traitement anticoagulant non optimales ».
 
Au final, 63 dossiers de patients (dont 18 portent sur des prises en charge en onco-dermatologie) ont été expertisés par l’ARS qui conclut dans un communiqué de presse daté du 22 mars 2017 que « les cas de prise en charge signalés par l’ancien chef du service (Philippe Humbert ; NDLR) ne sont pas de nature à justifier la gravité des accusations publiques qu’il a formulées à l’égard de ses confrères ».

Plainte pour diffamation 

Sur la question des violations éventuelles d’une vingtaine de RCP, comme le dénonçait le Pr Humbert, l’ARS a conclu que « les défauts dans l’organisation et le fonctionnement des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) relevés au cours de la précédente mission de novembre 2015 ont été depuis corrigés ». Et que les signalements qui portaient également sur des prises en charge hors RCP se sont révélés « soit infondés soit focalisés sur des éléments sans incidence sur la prise en charge des patients ».
 
Dans la foulée, le CHU de Besançon publiait un communiqué le 24 mars 2017. Pour dire que les conclusions de l’ARS invalidaient les dénonciations du Pr Humbert. « La pratique médicale a respecté les protocoles et recommandations de bonnes pratiques en matière de prise en charge en onco-dermatologie », précisait la direction de l’établissement. Par ailleurs, sur les 18 dossiers signalés par le professeur portant sur RCP, les rapports de l’ARS « démontrent clairement qu’il n’y a pas eu de prescriptions de chimiothérapies injustifiées et abusives », poursuivait le CHU qui « face aux accusations graves et infondées qu’il a subies », a décidé de porter plainte pour diffamation contre Philippe Humbert.

Le Pr Humbert saisit la Cour de cassation

Deux ans plus tard, la décision est tombée. La Cour d’appel de Besançon a considéré que le Pr Humbert avait diffamé le CHU de Besançon et « porté atteinte à l’honneur de la directrice et du CHRU ». L’ex-chef du service dermatologie a été condamné à 10 000 euros d’amende, dont 4 000 euros avec sursis, et 5 000 euros de dommages et intérêts, ainsi qu’un euro pour la directrice. Mais, de la même manière que le Pr Humbert avait fait appel à la suite de sa suspension par l’ordre régional des médecins (lire encadré ci-dessous), il a aussitôt saisi la Cour de cassation dans cette affaire de diffamation
 
Donc, « cette affaire pénale est toujours pendante devant la haute juridiction », selon Maître Blumberg, l’avocat de Philippe Humbert qui considère que « les faits que j’ai dénoncés sont bien réels. Mais personne n'a voulu prendre acte que le premier rapport des experts méconnaissait les fautes médicales commises à l’égard des malades. Mais aussi les conditions du décès de cette femme de 69 ans dont le cadre de santé a décrit l’agonie pendant toute une journée au cours de laquelle le médecin d’astreinte ne s’est pas déplacé. Et que les réunions obligatoires et réglementées en matière de cancer n’étaient pas conformes. »

Erreurs médicales

Par ailleurs, si le deuxième rapport de l’ARS relate bien ces faits dans le corps du texte, les experts concluent que « les faits n’étaient pas suffisamment graves pour que le chef de service en informe la population ». Ce qui signifie que « les faits que je dénonçais ont été qualifiés de ce fait, diffamatoires », selon le Pr Humbert.
 
C'est ainsi que ces faits, « qui semblent pourtant passibles des tribunaux, n’ont pas été relevés par la justice de Besançon », selon le professeur. Et d’ajouter : « Quand on regarde dans les détails du rapport, l’ARS reconnait que 6 malades ont eu des préjudices. Pour autant, ceux-ci n’en ont pas été informés et n’ont pas été dédommagés ».
 
Enfin, les rapporteurs confirment qu’il y a bien eu plusieurs erreurs médicales, mais ils ont estimé dans le rapport « qu'il n'y a eu ni préjudice ni risque de préjudice pour 40 patients ». Selon eux, « certains signalements apparaissent justifiés au regard de la pratique médicale et du respect des protocoles et recommandation de bonnes pratiques pour 10 patients ». Mais ils considèrent que « le Pr Humbert s’est focalisé sur des éléments ponctuels ou points particuliers »

Lire la suite : le deuxième volet de notre enquête.
 
1 : viande non moulinée et fromage sous cellophane alors que l’homme ne peut pas servir de sa main droite, repas froid de retour d’examens (scanner, IRM…).

 

Le Pr Humbert suspendu par l’Ordre
L’ordre régional des médecins a suspendu en avril 2018 pour douze mois, dont six avec sursis, le Pr  Humbert, suite à deux plaintes (le conseil départemental de l’ordre des médecins du Doubs en 2016, l’autre par ARS en 2017), rapporte L’Est Républicain. L’ex-chef du service de dermatologie du CHRU de Besançon a fait appel et a donc pu continuer à exercer. « On lui reproche un manque de confraternité et des propos diffamatoires et injurieux à l’égard de ses confrères, ainsi que la violation du code de déontologie. On lui reproche d’avoir soutenu des accusations qui sont étayées par des plaintes de patients. Lui pense avoir vraiment joué un rôle de lanceur d’alerte », indiquait en 2018 son avocat, Me Uzan. Mais, en 2018, la cour d’appel de l’Ordre des médecins a finalement écarté la plupart des griefs qui avaient été portés à l’encontre du professeur .

Droit de réponse du CHU de Besançon :
 
Le CHU de Besançon tient à faire valoir son droit de réponse à la suite de votre article du 21 septembre intitulé « Besançon : chronique d’une guerre ouverte entre le Pr Humbert et le CHU (1/2) ». Vous vous faites le relais des accusations de « manquements graves (maltraitances, négligences graves, mises en danger d’autrui, erreurs médicales…) » que le Pr Humbert ne cesse de diffuser dans les médias depuis le début de l’année 2017, en réaction aux conclusions de l’Agence Régionale de Santé (ARS) qui l’ont désavoué. Le Pr Humbert en effet est particulièrement bien placé pour savoir que des investigations multiples ont été menées qui n’ont pas confirmé ses dires. Étant médecin, ancien chef du service dermatologie au CHU de Besançon, il ne peut ignorer la réalité des situations médicales qu’il prétend dénoncer. Le CHU de Besançon dément fermement toutes ces accusations et regrette qu’elles soient ainsi reprises alors qu’elles font systématiquement écho à celles qui ont conduit à la condamnation du Pr Humbert pour diffamation au préjudice du CHU par le tribunal correctionnel de Besançon le 29 octobre 2018 puis de nouveau par la cour d’appel de Besançon le 11 avril 2019. Le pourvoi du Pr Humbert contre cette condamnation pour diffamation lui sert manifestement de prétexte à une nouvelle diffusion massive des mêmes accusations diffamatoires, dont les débats devant le tribunal correctionnel et la cour d’appel ont pourtant fait litière. Le Pr Humbert dans cette affaire de diffamation n’a d’ailleurs jamais offert de rapporter la preuve de ses dires comme la procédure le permettait. Votre article, en relayant les affirmations du Pr Humbert, contient de nombreuses allégations fausses qui doivent être rectifiées. Tout d’abord la chronologie des faits est erronée. Contrairement à ce qui est affirmé dans l’article l’affaire ne trouve pas son origine dans des plaintes de malades. Entre le 19 et le 25 mars 2015 la direction du CHU a reçu 17 courriers de plainte déposées contre le Pr Humbert lui-même, émanant de médecins et d’internes de son service. Il ressortait de ces différents courriers, précis et circonstanciés, et dont la représentante du parquet a souligné la sincérité lors de l’audience devant la cour d’appel, que depuis 2014, le Pr Humbert avait un comportement inapproprié, provoquant une souffrance généralisée au sein de ses équipes. Ces plaintes ont été l’élément déclencheur des signalements effectués par le Pr Humbert, sans légitimité ou alors que les faits dénoncés relevaient de sa propre responsabilité en sa qualité de chef de service, comme l’a souligné le second rapport de l’ARS. A l’audience du tribunal et de la cour d’appel le Pr Humbert se contentait de produire deux courriers antérieurs de familles de patients, datant de décembre 2014 et mars 2015, courriers de réclamation qui au demeurant lui avaient été adressés en qualité de chef de service et le visaient donc lui-même. Il avait d’ailleurs masqué sur un de ces documents, pour le produire, les mentions faisant apparaître qu’il en était le destinataire.  Dans votre article vous citez et reproduisez partiellement un autre courrier de la famille d’un patient, daté du 14 juin 2014, qui en est un nouvel exemple. Là encore il s’agit manifestement d’un courrier qui a été adressé au Pr Humbert relativement à des faits qui relevaient de sa propre responsabilité de chef du service de dermatologie. En réalité, c’est à partir du mois de mai 2015, une fois mis à jour le harcèlement dont étaient victimes ses équipes (y compris ses internes, en conséquence de quoi en octobre 2015 aucun interne n’a voulu faire son semestre dans le service de dermatologie ce qui n’était jamais arrivé) que le Pr Humbert a commencé à effectuer des signalements à répétition. La chronologie des faits dans l’article est à ce point erronée que vous évoquez une supposée alerte donnée par le Pr Humbert en février 2015 et que celui-ci, cité par votre journaliste, déclare à propos du décès d’une patiente dans son service en mai 2015 : « j’avais annoncé à la directrice du CHU (Chantal Carroger, NDLR) que, au vu de ce qu’il se passait dans le service, il allait y avoir un jour un problème grave, cela a fini par arriver... ». Or la nouvelle directrice du CHU dont vous prenez soin de préciser le nom dans une NDLR a pris ses fonctions le 28 septembre 2015. S’agissant du décès de cette patiente hospitalisée dans le service du Pr Humbert en mai 2015 une enquête a évidemment été menée et les procédures réglementaires ont été mises en œuvre. Elles ont révélé que l’infirmière n’avait pu joindre le médecin senior et qu’il y avait donc eu ce jour-là un problème d’organisation et de continuité des soins dans le service dont le Pr Humbert était responsable in fine selon les médecins enquêteurs de l’ARS. Au mois d’août 2015 le mari de cette patiente a manifesté sa volonté d’en rester là ayant obtenu des réponses satisfaisantes selon lui. Un an après le Pr Humbert continuait d’adresser des courriers à la ministre de la Santé et au conseil de l’Ordre, sans égard pour la volonté de la famille. Dans votre article vous reprenez encore les accusations du Pr Humbert sur des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) volontairement irrégulières qui auraient privé des patients d’une chirurgie, afin de privilégier les chimiothérapies pour des motifs financiers, sur fond de supposés liens avec l’industrie pharmaceutique. Il s’agit d’une affabulation. Le Pr Humbert n’a pu apporter le moindre élément de preuve ou même de plausibilité à ce sujet devant le tribunal correctionnel et la cour d’appel de Besançon (pas plus que devant la cour de cassation dans le cadre du pourvoi en cours puisque la cour de cassation examine les affaires en pur droit, sans nouvelles pièces ni débats sur les faits), ce qui là encore a justifié sa condamnation pour diffamation.  L’ARS a rendu à deux reprises des rapports donnant tort au Pr Humbert. Ces rapports ne contiennent aucun élément permettant de confirmer ses thèses. La cour d’appel de Besançon l’a souligné dans son arrêt : « Les rapports des experts ne lui ont pas donné raison sur le fond et il reprend les mêmes arguments à partir des mêmes données factuelles qui ont déjà été vérifiées. Il ne présente ainsi pas d’enquête vérifiée et vérifiable qui soit ajustée à sa cause ». À la suite de la première mission de l’ARS le CHU a mis en œuvre les mesures correctives adéquates sur l’organisation des RCP et du reste l’ARS avait bien pointé le fait que l’absence de caractère pluridisciplinaire de certaines RCP était à relativiser, et qu’il n’y avait jamais eu de préjudice pour les patients. Non seulement les conclusions de l’ARS ont démenti les accusations du Pr Humbert, mais elles ont mis en cause ce dernier en qualité de chef de service. Enfin le premier rapport de l’ARS n’a pas « nécessité, à la demande de l’ARS, une nouvelle expertise » contrairement à ce qui est affirmé dans l’article. Aux mois d’octobre et novembre 2015 l’ARS a diligenté une première enquête relative à la qualité de la prise en charge médicale en dermatologie portant sur 19 dossiers médicaux tous signalés par le Pr Humbert en mai et juin 2015. Alors même que l’inspection de l’ARS était en cours le Pr Humbert multipliait les nouveaux signalements. Entre novembre 2016 et janvier 2017, l’ARS a mené une nouvelle inspection portant sur la pratique médicale et les conditions de fonctionnement du service de dermatologie, afin d’analyser les 66 dossiers de patients désormais signalés par le professeur (dont certains avaient déjà été analysés dans le cadre de la première mission). Les conclusions ont été négatives. L’ARS a souligné que « Les reproches formulés a posteriori aux internes et aux seniors par le Pr Humbert renvoient in fine à sa propre responsabilité de senior et de chef de service ayant validé et signé les courriers de sortie de patients avant de constater des erreurs, de les imputer à tort aux internes ou aux seniors et d’en constituer des motifs de signalement aux autorités ». Vous évoquez enfin dans un encart la procédure disciplinaire ordinale diligentée contre le Pr Humbert et le fait que « la cour d’appel de l’Ordre des médecins a finalement écarté la plupart des griefs qui avaient été portés à l’encontre du professeur ». Or la décision de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins dont vous parlez, en date du 16 avril 2019, n’a réformé la décision de première instance que sur la sanction, qui a été ramenée d’une interdiction d’exercer d’un an avec sursis partiel à hauteur de six mois à une interdiction de trois mois avec sursis. En revanche l’ensemble des griefs disciplinaires formulés à l’encontre du Pr Humbert ont bien été retenus en appel, et notamment le dénigrement systématique de ses confrères et subordonnés. Dans votre article du 21 septembre l’encart consacré à la procédure disciplinaire omet par ailleurs de préciser que les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur ont saisi conjointement la juridiction disciplinaire compétente à l’égard des personnels enseignants et hospitaliers des CHU. Par décision en date du 11 juillet 2019, la sanction de la mise à la retraite d’office a été infligée au Pr Humbert. Le conseil d’Etat a été saisi d’un pourvoi du Pr Humbert contre cette décision. Ce pourvoi n’a pas été examiné : par décision du 2 juillet 2020 le conseil d’Etat a déclaré le pourvoi non admis, constatant qu’il n’était fondé sur aucun moyen sérieux. 
 

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