Agnès Giannotti, l’Afrique au cœur…

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Médecin, auteure, photographe, Agnès Giannotti mène plusieurs carrières de front. Sa passion : l’Afrique. Un maître-mot : l’interculturalité.

Agnès Giannotti, l’Afrique au cœur…

What's up Doc : Comment as-tu débuté ton exercice en médecine ?

Agnès Giannotti : Installée depuis les années 90, j’ai toujours voulu être généraliste car c’est la globalité de la personne qui m’intéresse, et autant la médecine somatique que psychiatrique. À la fin de mes études, je suis partie travailler au Cameroun. Surprise ! Je n’arrivais pas à aider mes patients en souffrance psychique, alors que tout se passait très bien en France. Qu’est-ce que je ne comprenais pas ? J’ai découvert les consultations d’ethnopsychiatrie et les différentes pratiques des médecins et des guérisseurs.

L’interculturalité en médecine, ça marche comment ?

AG. : Le principe, c’est le respect. Une culture ne l’emporte pas sur une autre. On se raconte, on écoute, on regarde et les choses bougent en nous. Il faut accepter de lâcher prise et de ne pas tout comprendre. En Occident, les études de médecine reposent sur des QCM et nous apprennent à tout maîtriser. Fondamentalement, les médecins et les guérisseurs font le même métier, mais ici on parle d’inconscient, là-bas d’esprits. Je consulte à la Goutte-d’Or pour être avec des Africains et des immigrés.

Comment est née ta passion pour la photo et l’écriture ?

AG. : Arrivée en Afrique avec un appareil photo offert par mon père, j’ai pu saisir sur le vif, grâce à la magie du zoom, toutes sortes d’oiseaux. C’est l’origine de mon premier livre, Oiseaux d’Afrique. Les gens du village où je me trouvais m’ont raconté leurs légendes. De retour en France, j’ai commencé à les répertorier en me rappelant des cours de deux profs de biologie qui m’avaient marquée. Je ne suis pas artiste, mon moteur pour la photo et l’écriture, c’est de rendre beaux les gens et les choses que j’aime pour ensuite pouvoir partager ce sentiment. Dans ce monde beaucoup trop matériel, les Africains ne voient plus la richesse de leur culture.

Et tes autres livres ?

AG. : Avant l’arrivée des terroristes dans la zone, j'allais deux fois par an au Bénin, près du Parc national du W. Mon deuxième livre repose sur des entretiens avec un écogarde de la réserve. Le troisième, Renaître en pays dendi – Couvade et Possession au nord Bénin,, dont j’ai fait les photos et Moussa Maman Bello le texte, retrace la prise en charge d’une patiente par les guérisseurs béninois. On y voit de l’intérieur, et non avec une vision d’ethnologue, les rôles de chacun dans le traitement.
Mon prochain livre parlera des arbres. Pour chaque arbre, j’ai inventé une histoire pour assembler un bric-à-brac de mythes, contes, rituels, usages en ébénisterie, en teinture et autres recettes de cuisine. Il m’a permis de rencontrer les derniers « forgerons rouges » qui utilisent les mêmes techniques depuis l’Âge du fer. Textes et photos sont prêts mais je suis depuis deux ans au bureau national du syndicat MG France et ça ne me laisse pas le temps d’écrire.

Et si tu devais choisir ?

AG. : Elle est bizarre ta question ! Il n’y a pas à choisir, c’est l’équilibre des choses différentes qui fait tenir debout. Je suis un médecin heureux et j’écris quand je veux et où je veux. L’écriture me permet d’être encore là-bas quand je suis ici, je suis devenue comme les migrants.


 

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