Être à la fois médecin et pharmacien, c’est possible

Article Article

Bienvenue dans le monde étrange des propharmaciens

Être à la fois médecin et pharmacien, c’est possible

Certains généralistes sont autorisés à délivrer des médicaments à l’issue des consultations : ce sont les propharmaciens. Un mode d’exercice rare et menacé, mais qui rend d’après ses défenseurs d’importants services aux patients des zones rurales.

La plupart du temps, un patient qui sort de chez le généraliste met le cap sur la pharmacie. Mais ce n’est pas le cas de ceux du Dr Alain Dumont. Ce médecin installé à Machault, petite commune de 500 habitants dans les Ardennes, est en effet propharmacien. Cela signifie qu’il peut dispenser lui-même des médicaments. Ses patients peuvent donc repartir de son cabinet avec les traitements prescrits sous le bras.

Bien sûr, l’exercice de la propharmacie est strictement encadré : il faut qu’il n’y ait pas de pharmacie dans un rayon d’environ 10 kilomètres alentour, et le médecin concerné doit avoir demandé une dérogation à l’ARS. D’ailleurs, les propharmaciens sont très peu nombreux. « Nous sommes entre 90 et 100 », estime Alain Dumont, qui préside le syndicat qui représente la profession. Un chiffre en constante diminution, « qui suit le nombre de médecins ruraux », déplore le généraliste.

Il faut le vouloir…

Il faut dire que l’exercice de la propharmacie n’est pas de tout repos. « Nous sommes livrés comme les officines, une ou deux fois par jour en fonction des endroits », explique Alain Dumont. La gestion du stock représente un travail que l’Ardennais estime à cinq heures par jour, heureusement assuré par son secrétariat. Et il faut s’organiser pour entreposer boîtes, poches et autres flacons : le cabinet d’Alain Dumont dispose d’un local d’environ 30 m² à cet effet.

Aux difficultés logistiques s’ajoutent parfois des problèmes juridiques, car les pharmaciens ne voient pas toujours les propharmaciens d’un œil bienveillant. Ils n’hésitent pas s’en remettre aux tribunaux quand ils considèrent qu’un médecin leur fait une concurrence déloyale. Dernière affaire en date : une généraliste de Civry, en Eure-et-Loir, qui avait vu son autorisation d’exercer la propharmacie attaquée en 2016 devant le tribunal administratif d’Orléans par un syndicat d’officinaux. Cette autorisation a finalement été confirmée en appel, comme l’expliquait Le Pharmacien de France en février dernier, mais la propharmacie n’en est pas moins menacée.

Allez trouver un train à Machault

Or pour Alain Dumont, être capable de dispenser des médicaments est un effort nécessaire s’il veut correctement prendre en charge certains patients de la zone très rurale dans laquelle il exerce. « La première pharmacie est à 12 kilomètres de mon cabinet », témoigne-t-il. « Allez trouver un bus ou un train à Machault ! » La population est d’ailleurs d’après lui très satisfaite. « Beaucoup de gens me demandent pourquoi cela ne fonctionne pas partout comme ça », témoigne le généraliste. Même discours chez Le Dr Marie-Christine Dieudegard, propharmacienne installée à Auberive, commune de 200 habitants située en Haute-Marne. « C’est un service qu’on rend à la population », estime-t-elle.

Et il y a l’aspect économique : la propharmacie représente d’après Alain Dumont environ 20 % de son bénéfice. Ce qui ne suffit d’après lui pas à assurer l’avenir de ce mode d’exercice. « Nous sommes menacés, comme l’ensemble de la médecine rurale », se désole-t-il, assurant toutefois que la propharmacie peut intéresser les jeunes médecins, et que ses internes apprécient beaucoup cet aspect de son métier. Des volontaires ?

Source:

Adrien Renaud

Les gros dossiers

+ De gros dossiers